Quels sont les péchés qui alimentent votre péché de convoitise?
Le combat plus large au-delà de la convoitise
Considérez nos luttes avec le péché de la façon suivante. Imaginez un cinéma multiplexe qui offre la présentation de plusieurs films en même temps. L’immoralité ou le viol sont peut-être les primeurs qui apparaissent sur les panneaux publicitaires, mais il y a d’autres œuvres d’importance que l’on peut voir dans les autres salles de projection. La guerre contre le péché, l’affliction et le triomphe de la grâce ont lieu simultanément à plusieurs endroits.
En exerçant un ministère envers quelqu’un qui est aux prises avec une sexualité ternie, il se peut qu’une percée se produise alors que vous serez dans une autre « salle de projection », dans un domaine que, ni vous, ni l’autre n’aviez cru relié. Une compréhension nouvelle des intentions profondes de Dieu vis-à-vis de la souffrance peut modifier de façon significative le scénario de la vie d’une personne. Une percée par rapport à la colère, à l’orgueil, à l’angoisse ou à la paresse peut produire un effet d’entraînement et aider par la suite à désarmer le grand spectre qui accapare depuis longtemps toute l’attention et les préoccupations profondes.
Dans cette bataille, il est très important d’envisager tous les fronts et d’éviter les œillères auxquelles les torts majeurs risquent de nous assujettir. Cela nous empêcherait d’avoir une vue d’ensemble. L’étude de cas suivante démontre que les péchés sexuels peuvent et doivent être considérés au sein de batailles plus vastes.
Tout essayer
Tom est un homme célibataire de 35 ans. Vous seriez sans doute en mesure d’imaginer le reste de son histoire, parce qu’elle n’a rien de particulier. À l’âge de 15 ans, il a donné sa vie à Christ, faisant une profession de foi sincère. C’est à peu près au même moment que son combat d’une vingtaine d’années contre les convoitises sexuelles a débuté. Cela inclut des épisodes de visionnement de pornographie et aussi de masturbation. Tom est profondément découragé à ce sujet. Au fil des ans, il a expérimenté plusieurs moments de « victoire », mais tout autant de bas-fonds dans la « défaite ».
Tom m’a approché pour recevoir mon aide, puisque je suis ancien à son Église et leader du petit groupe dont il fait partie. Il était démoralisé à cause d’échecs récents, se voyant sombrer dans ce qui semblait être un cycle sans fin. Pendant toutes ces années, il avait essayé « tout ce qu’il fallait », les solutions et les méthodes habituelles. Il avait développé une relation sincère d’imputabilité qui l’avait aidé quelque peu, sans toutefois s’avérer déterminante. Cet engagement, qui commençait avec fermeté, finissait toujours par s’estomper. À un moment donné, révéler à quelqu’un que l’on a échoué une fois de plus, pour ensuite recevoir de la sympathie ou une exhortation, cessait d’être utile. Tom avait mémorisé des passages des Écritures qu’il s’efforçait de méditer lors de ses combats. Fréquemment, cela l’aidait, mais par la suite, dans les moments d’aveuglement total au cours desquels il avait le plus grand besoin d’aide, tout ce qu’il savait s’effaçait de sa mémoire. Le sexe inondait ses pensées et les versets bibliques s’éclipsaient. En d’autres occasions, il outrepassait tout simplement la vérité, avec une attitude rebelle, en se disant : « Qu’est-ce que ça peut bien faire ? » Par la suite, il se sentait terriblement mal ; les périodes d’aveuglement total de sa conscience ne duraient chaque fois qu’une demi-heure.
Il avait prié avec persévérance, il avait jeûné et tenté de se discipliner. Pour meubler son horaire, il prévoyait des activités constructives, à faire seul ou avec d’autres personnes. Il s’était engagé dans un ministère auprès d’adolescents. Il avait également essayé des occupations que l’on ne trouve pas dans la Bible : de l’exercice intense, des douches froides et des régimes alimentaires. Il avait même brièvement accepté les conseils contenus dans un livre de développement personnel qui prescrivait de considérer la masturbation comme une chose normale, « une chose que tout le monde pratique, par conséquent, accordons-nous la permission ». Toutefois, en toute sagesse, sa conscience ne lui permettait jamais de contourner les paroles de Jésus sur l’adultère dans le cœur, dans Matthieu 5.28.
Tom avait tout essayé. La plupart des solutions (sauf l’abandon du combat) l’aidaient un peu, mais en définitive le succès demeurait toujours incomplet et fragile. Tom n’avait acquis aucune connaissance plus éclairée de son cœur et des œuvres profondes du péché et de la grâce. Pendant vingt ans, tout s’était résumé à ceci : « Le péché est une mauvaise chose. Ne le pratique pas. Tu n’as qu’à faire [x, y ou z] pour t’aider à ne pas pécher. » Toute sa vie chrétienne avait été conçue et bâtie autour de ces luttes contre ces épisodes de péchés sexuels.
Son comportement empruntait le modèle suivant : des phases de pureté relative qui pouvaient durer des jours, des semaines, voire quelques mois. Il évaluait sa réussite selon sa réponse à la question : « Combien de temps s’est écoulé depuis ma dernière chute ? » Plus l’intervalle était long, plus son espoir s’élevait, et il se disait : « J’ai peut-être enfin brisé les reins de ce péché qui m’accable. »
Puis il chutait une fois de plus, trébuchant à travers des phases de défaite et errant de nouveau vers le même bourbier. « Se pourrait-il que je ne sois même pas chrétien ? Pourquoi me donner tant de mal ? À quoi cela sert-il ? Rien ne fonctionne. » Il était écrasé par la culpabilité, le découragement, le désespoir et la honte. Parfois, Tom recourait même à la pornographie pour engourdir le tourment de son sentiment de culpabilité d’en avoir consommé. Il suppliait Dieu à maintes reprises de lui pardonner, sans en retirer le moindre soulagement, ni la moindre joie. Puis, sans raison apparente, une nouvelle phase de réussite débutait et il se sentait inspiré à continuer de se battre. C’est au cours d’une de ces phases qu’il m’a téléphoné. Il souhaitait réellement être délivré une fois pour toutes.
Comment pouvais-je aider Tom ? J’hésitais à lui servir simplement quelque chose de semblable à ce qu’il avait déjà essayé à des dizaines de reprises sans venir à bout de ses peines. Je ne voulais pas me limiter à lui tenir un petit discours d’encouragement agrémenté de passages des Écritures, l’exhorter à ceindre ses reins pour finir la course et lui proposer des rendez-vous téléphoniques d’imputabilité. Qu’avait-il omis de comprendre ? Que se passait-il dans les autres salles de projection de sa vie ? Avait-il des motifs ou des habitudes que, ni lui, ni moi n’avions remarqués ? Que se passait-il durant les jours ou les heures qui précédaient ses chutes ? Qu’en était-il de sa manière de réagir pendant les jours et les semaines qui suivaient ses échecs ? Pourquoi sa façon d’aborder l’existence entière ressemblait-elle à un mécanisme complexe destiné à gérer des manquements à la morale ? Pourquoi sa façon d’aborder la vie chrétienne semblait-elle si peu humaine et si peu personnelle ? Son christianisme avait des airs de grande production : beaucoup d’efforts sincères en vue de s’améliorer. Pourquoi les vérités et les techniques accumulées ne parvenaient-elles jamais à donner chaleur et vitalité à la qualité de ses relations avec Dieu et avec les autres ? L’élément central de la vie chrétienne est-il vraiment un cycle incessant au sein duquel se succèdent ces affirmations : « Je pèche, je ne pèche pas, je pèche, je ne pèche pas, je pèche… » ? Quel était donc l’élément qui nous échappait ?
«Ma crise de colère contre Dieu»
Pour essayer d’acquérir une meilleure compréhension de la topographie de sa vie, j’ai demandé à Tom de faire une chose toute simple : « Accepterais-tu de tenir un journal des moments où tu es tenté ? » Je cherchais à savoir ce qui se passait lorsqu’il vivait des luttes. Quand ? Où ? Qu’est-ce qui venait de se produire ? Qu’a-t-il fait ? Que ressentait-il ? À quoi pensait-il ? S’il résistait, comment y arrivait-il ? S’il succombait, comment réagissait-il par la suite ? Y avait-il autre chose en corrélation avec les tentations sexuelles ?
Tout en évoluant le long de ces montagnes russes, Tom gardait un sens de l’humour désarmant. Il s’est moqué de moi et m’a dit : « Je n’ai pas besoin de tenir un journal, je connais déjà la réponse. Je ne chute que les vendredis ou les samedis soir – habituellement les vendredis, puisque le samedi vient juste avant le dimanche. »
Si les soins pastoraux sont un tant soit peu inscrits dans vos gènes, une telle réponse vous stimulera. Des comportements qui se répètent s’avèrent toujours extrêmement révélateurs lorsqu’on les examine. Je lui ai donc posé quelques questions : « Pourquoi les péchés sexuels font-ils surface les vendredis soir ? Qu’y a-t-il là-dessous ? » Il a répondu : « Ma consommation de pornographie, c’est mon accès de colère envers Dieu. »
Voilà qui est stupéfiant ! Voyez ce que nous venions de découvrir : la présentation d’un autre film dans la salle voisine. Soudain, nous n’avions plus simplement à composer avec la pornographie et la masturbation. Nous nous trouvions en face de la colère envers Dieu qui attisait ces agissements. D’où venait-elle donc ?
Tom a renchéri pour me donner un aperçu plus complet : « Je reviens du travail à mon appartement le vendredi soir. Je suis seul. J’imagine tous mes amis célibataires à leur rendez-vous amoureux et ceux qui sont mariés passant du temps avec leur femme. Mais moi, je suis tout seul chez moi. J’accumule donc une bonne dose de hargne et d’apitoiement sur mon sort. Puis, aux environs de 21 heures ou 22 heures, je me dis : “Tu mérites une petite pause aujourd’hui.” J’entends même intérieurement la rengaine de certaines publicités dans les médias, puis les désirs sexuels me semblent de plus en plus agréables. “Dieu t’a dupé. Si seulement j’avais une petite amie ou une femme… Je ne supporte plus ce sentiment. Pourquoi ne pas faire en sorte de me sentir bien pendant un moment ? Quelle importance, de toute manière ?” C’est alors que je plonge dans le péché. »
C’est étonnant, n’est-ce pas ? La pornographie et la masturbation accaparaient toute l’attention, généraient le sentiment de culpabilité et définissaient le moment et l’action associés à la « chute ». Appelons cela la salle de projection numéro 1. Qui plus est, nous apprenions que Tom avait de la colère envers Dieu, un sentiment qui précédait et fournissait l’excuse à son péché sexuel. C’est la présentation de la salle 2. Il nous a parlé des heures d’apitoiement sur son sort, de ronchonnements et de scénarios idéalistes qu’il imaginait en enviant ses amis et ses collègues : le programme d’après-midi dans la salle 3. Nous avons entendu dans ses propos la définition du désir qui le menait à l’apitoiement, à la colère envers Dieu et à la convoitise sexuelle : « Dieu me doit une épouse. J’ai besoin, je veux et j’exige une femme qui m’aime. » C’est ce qui était présenté dans la salle 4, un film peu connu qui semblait ne soulever aucun problème. Il s’agissait cependant d’une convoitise de la chair, banale, non sexuelle, que Tom n’avait jamais considérée comme suscitant un problème quelconque. En réalité, selon sa compréhension, son désir s’appuyait pratiquement sur une promesse divine : « Dans le Psaume 37.4, on lit : “Fais de l’Éternel tes délices, et il te donnera ce que ton cœur désire.” Si je fais ce qu’il faut, Dieu devrait aussi collaborer et me donner une épouse. »
Au fil de la conversation, j’ai découvert pourquoi Dieu lui devait une femme : « J’ai essayé de faire tout ce qu’il faut. Je l’ai servi, j’ai testé l’imputabilité, j’ai mémorisé des passages des Écritures, j’ai tenté d’être un bon chrétien, je suis engagé dans un ministère, je témoigne, je donne ma dîme… mais Dieu n’a pas respecté sa part de l’entente. » Autrement dit, les moyens admissibles pour lutter contre le péché constituent aussi des manettes pour soutirer de Dieu des récompenses. Les paroles de Tom ressemblent sinistrement à la complainte du frère aîné dans la parabole du fils prodigue que Jésus a racontée : « J’ai un bon comportement, par conséquent Dieu me doit les bonnes choses que je désire. » La colère envers Dieu qui s’ensuit agit comme toute autre irritation illégitime : « Tu ne m’accordes pas ce que je veux, tu ne combles pas mes attentes, mes besoins, mes exigences. » Ce côté « reluisant » inévitablement vicié et orgueilleux de l’échafaudage légaliste typique était en projection dans la salle 5. En outre, pourquoi Tom sombrait-il dans la dépression et l’autoflagellation pendant des jours et des semaines après avoir chuté, au lieu de s’approprier les bontés de l’Éternel qui se renouvellent chaque matin ? Il s’agit là du côté sombre, autopunitif et désespéré de la charpente légaliste : « Je suis désobéissant, par conséquent Dieu ne me donnera pas les récompenses. » Dans la salle 6, on pouvait voir en action l’autopunition, l’autoexpiation, la pénitence et la haine de soi.
Il ne suffit que d’un peu de perspicacité théologique pour constater que toutes ces distorsions dans la relation que Tom entretenait avec Dieu expriment diverses formes d’incrédulité. Elles répriment une connaissance vivante du Dieu véritable et créent pour l’individu un univers dépourvu de la présence, de la vérité et des intentions du vrai Dieu. L’incrédulité ne correspond pas à un vacuum ; au contraire, l’existence se peuple de fictions séductrices et persuasives. Dans la salle 7, on présentait une superproduction dont Tom n’avait jamais soupçonné le problème. (Lorsque Dame Folie demeure habillée et qu’elle efface sans bruit la conscience de l’existence de Dieu, elle est invisible.)
En réalité, nous avons même découvert pourquoi, à ce moment précis, Tom désirait à ce point obtenir mon aide et mes conseils. Qu’est-ce qui motivait cette envie de vaincre son problème de convoitise, de réessayer, de venir à bout de ce dragon une fois pour toutes ? Il avait des visées sur une jeune femme qui correspondait à ses attentes et qui s’était récemment jointe à notre Église, ce qui avait éveillé à nouveau sa motivation à combattre. Si seulement il se débarrassait de ce penchant, alors Dieu lui devrait à nouveau une récompense, et Tom obtiendrait peut-être la femme de ses rêves. Même son intention cachée en sollicitant de l’aide pastorale faisait un peu partie de cette vaste bataille : salle 8!
Une bataille livrée sur plusieurs fronts génère des progrès plus importants
Remarquez tout le chemin que nous avions parcouru en une demi-heure ! Tom n’en était pas à sa première « chute » le vendredi précédent, à 21 h 30, et il ne s’agissait pas non plus de la plus dévastatrice. Mon assistance dans sa formation comme disciple de Jésus ne pouvait se limiter à lui fournir des astuces et des vérités lui permettant de demeurer « pur au point de vue moral » lors des prochains vendredis soir. La relation d’aide devait mener à une réécriture de la vie entière de Tom. Ce ministère implique réellement une « cure d’âme ».
Vous comprenez alors pourquoi il nous faut livrer la bataille sur plusieurs fronts, de manière à venir en aide aux âmes. Tom concentrait toute son attention sur un péché évident qui faisait surface de façon intermittente, et qui déterminait et nourrissait tout son sentiment de culpabilité. Or cette vision rétrécie masquait des péchés beaucoup plus graves et invasifs. En tant que pasteur, ami ou autre conseiller, il ne faut pas concentrer toute son énergie au même endroit, comme Tom le faisait. D’autres occasions plus profondes permettaient à la grâce et à la vérité de réécrire le scénario de la vie de cet homme. Tom avait troqué la totalité de sa relation avec Dieu contre un échafaudage fragile. Étant imbu de sa propre justice (« Enfin la victoire ! »), il croyait qu’il recevrait ainsi les douceurs qu’il souhaitait réellement pour sa vie. Malgré sa connaissance et ses déclarations d’une théologie saine, dans l’expérience quotidienne il réduisait Dieu au rang d’un simple « garçon de courses chargé de satisfaire ses désirs vagabonds1 » (comme l’exprimait Bob Dylan).
Tom et moi avons fait passer cet échafaudage par le feu de la vérité et de la grâce, pour ensuite reconstruire sa foi. De merveilleux changements ont commencé à se produire dans sa vie. Nous avons, bien sûr, tenu compte des tentations sexuelles, mais plusieurs autres choses qu’il n’avait jamais remarquées auparavant sont devenues urgentes. Nous avons passé beaucoup plus de temps à parler de l’apitoiement sur son sort et des murmures comme étant des péchés « d’avertissement avant-coureur ». Le fait que son désir de se marier était devenu une convoitise contrôlante et que son échafaudage de justice propre délogeait la dynamique de la grâce a également été le sujet de longues discussions. Ses tentations sexuelles ont diminué de façon significative. Elles n’ont pas disparu, mais la topographie du champ de bataille a radicalement changé. L’amour de Jésus-Christ a pris toute son importance et les lumières d’une meilleure connaissance globale de soi se sont allumées. Cet homme qui tournait en rond, paralysé par un désordre intérieur, a commencé à bondir dans la bonne direction. Nous avons expérimenté les grandes joies d’une période de croissance à pas de gazelle.
Exercer un ministère auprès d’un individu qui lutte depuis vingt ans avec une seule et même chose s’avère décourageant et souvent futile. Cependant, l’exercer auprès d’une personne qui se met à combattre une demi-douzaine d’ennemis qui étaient précédemment invisibles se révèle extrêmement stimulant ! Considérer l’envergure réelle du combat a permis à Tom d’approfondir et de hausser l’importance du Sauveur qui l’a accompagné au front, et ce, à chaque bataille.
- Bob Dylan, “When You Gonna Wake Up,” 1979.
Cet article est tiré du livre : Il fait toutes choses nouvelles de David Powlison