Qu’est-ce que la sacralisation du temps et de l’espace ? (R.C. Sproul)
Nous voyons souvent dans la Bible ce que nous appelons la sacralisation de l’espace et du temps. Cela signifie que nous voyons d’innombrables exemples où Dieu ou son peuple d’Israël ont donné une signification sacrée, sainte et consacrée à des moments et des événements particuliers qui ont eu lieu à leur époque. Réfléchissez à l’appel divin de Moïse dans le désert madianite : « Dieu dit : N’approche pas d’ici, ôte tes souliers de tes pieds, car le lieu sur lequel tu te tiens est une terre sainte » (Ex 3.5). Ce que Dieu voulait dire à Moïse n’était autre que : « Moïse, cet endroit du globe est à présent sacré ; c’est un lieu saint. » Ce n’est pas le fait que Moïse se tenait à cet endroit qui rendait le lieu saint. Il était saint parce que c’était un point d’intersection entre Dieu et son peuple. En survolant l’Ancien Testament, on remarque certains endroits particuliers dans lesquels Dieu a rencontré son peuple ou agi avec puissance pour le bien de son peuple. À ces occasions, il était souvent d’usage que le peuple marque l’endroit. En règle générale, c’était un autel tout simple fait de pierres qui était érigé.
À titre d’exemples, quand l’arche s’est posée au sommet du mont Ararat, l’une des premières choses que Noé a accomplies en sortant de l’arche a été de construire un autel à cet endroit pour se souvenir de ce lieu où Dieu les avait délivrés du déluge, lui et sa famille. Après avoir passé les eaux du Jourdain sous la direction de Josué, les enfants d’Israël ont érigé un monument. À maintes reprises dans l’Ancien Testament, nous voyons le peuple agir de la sorte. Quand Jacob a eu une vision nocturne d’anges de Dieu montant et descendant des cieux alors qu’il était en route pour trouver une femme, il a nommé ce lieu Béthel en disant : « Certainement, l’Éternel est en ce lieu, et moi, je ne le savais pas ! » (Ge 28.16.) Ensuite, il a pris la pierre qui lui avait servi d’oreiller pendant la nuit, il l’a ointe d’huile et l’a dressée pour marquer ce lieu où Dieu lui était apparu dans un songe et lui avait fait une promesse.
La sacralisation de l’espace
Nous voyons à maintes reprises dans la Bible une sacralisation de l’espace. Nous le faisons aussi aujourd’hui. Il y a quelques années, il s’est produit près du lieu où j’habite un accident de la circulation tragique et mortel. L’une des victimes était une petite gymnaste. Elle vivait en face de chez moi, et chaque jour en me rendant au travail, je passe devant l’arbre contre lequel la voiture s’est écrasée. Encore aujourd’hui, il y a toutes sortes de monuments commémoratifs, fleurs et croix marquant cet endroit où elle est décédée. Nous avons tous des lieux particuliers dans nos vies. Ces endroits peuvent être significatifs en raison de circonstances heureuses ou malheureuses, mais nous considérons ces lieux comme saints pour nous, parfois même avec des marqueurs physiques.
La sacralisation du temps
Nous avons dans les Écritures non seulement un espace sacré, mais aussi un temps sacré. Les festivités de l’Ancien Testament impliquaient la sacralisation du temps. En ce qui concerne la Pâque, Dieu a ordonné au peuple d’Israël de célébrer chaque année leur rédemption de l’esclavage en Égypte en marquant un moment sacré sur le calendrier pour la fête de la Pâque. C’était un temps sacré.
Nous marquons nous aussi des jours sacrés sur le calendrier de l’Église. Nous allons à l’église le dimanche pour nous rappeler le fait que Jésus est ressuscité un dimanche matin. Nous célébrons la fête de la Pentecôte. Nous célébrons aussi Pâques et Noël. Nous célébrons ces choses parce qu’en tant qu’êtres humains, il est fortement ancré dans notre humanité d’avoir des temps sacrés. Nous voulons nous souvenir des moments historiques les plus importants pour nous. Nous célébrons nos propres anniversaires comme s’ils avaient quelque chose de sacré. Or, ils sont sacrés dans ce sens qu’ils sont extraordinaires et spéciaux pour nous. Il est bon de se rappeler le jour où nous sommes entrés dans ce monde. Nous célébrons aussi les anniversaires de mariage parce que nous voulons nous rappeler leur importance.
La sainte cène : un mémorial sacré
Je suis certain que notre Seigneur comprenait ce besoin humain de nous remémorer et nous rappeler ces moments importants. Quand il s’est réuni avec ses disciples dans la chambre haute, l’un des éléments de cette institution était son commandement de réitérer ce souper en mémoire de lui. « Faites ceci en mémoire de moi » (Lu 22.19). Dans un sens, Jésus voulait leur dire : « Je sais que je vous ai enseigné depuis trois ans. J’ai fait beaucoup de choses, certaines dont vous n’allez pas vous souvenir ; mais quoi qu’il en soit, n’oubliez pas ceci parce que ce que vous allez vivre dans les vingt-quatre prochaines heures est la chose la plus importante que je ferai pour vous. Ne l’oubliez jamais. Souvenez-vous de moi. Rappelez-vous ma mort, mon sang versé pour vous, mon corps brisé pour vous, et ce qui se passera par la suite. S’il vous plaît, ne l’oubliez jamais. » Et ainsi, depuis deux mille ans, l’Église se rappelle la mort du Christ au moyen de ce mémorial sacré qu’est la sainte cène.
Jésus comprenait aussi le lien traditionnel juif entre l’apostasie et l’oubli. Sur un plan linguistique, ce lien se trouve dans le mot apostat qui signifie « lâcher prise » ou « oublier ». Un apostat est quelqu’un qui a oublié ce envers quoi il s’était engagé autrefois. Le Psaume 103, au verset 2, marque aussi ce désir de David de ne pas être un apostat lorsqu’il s’écrie : « Mon âme, bénis l’Éternel, et n’oublie aucun de ses bienfaits ! »
Jésus est mort il y a deux mille ans, et pas une seconde ne passe sur l’horloge sans qu’un être humain quelque part dans le monde ne s’asseye pour rompre le pain et boire le vin dans le but de se rappeler la mort du Christ jusqu’à ce qu’il vienne.
Cet article est tiré du livre : Qu’est-ce que la sainte cène ? de R. C. Sproul