Qu’est-ce qu’est vraiment le péché ? (R.C. Sproul)
Paul a écrit dans Romains : « Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu » (3.23). Le mot grec traduit par « péché » est hamartia. Étymologiquement, ce mot vient de la sphère du tir à l’arc, en particulier lorsqu’un archer a raté le centre de sa cible. Cependant, le sens biblique va plus loin que cela, car « rater le centre de la cible » pourrait impliquer que la faute n’est que mineure. La vérité est que la règle de la justice, le centre de la cible, est la loi de Dieu et nous n’en sommes même pas près. Notre échec total à respecter le standard de justice de Dieu est la définition même du péché.
Le Petit catéchisme de Westminster définit ainsi le péché : « toute sorte de non-conformité à la loi de Dieu » (Q & R 14). Il y a un manque de conformité d’une part et une transgression d’autre part. Le mot « manque » est une expression négative, tandis que « transgression » est un terme actif ou positif. Lorsque j’ai fréquenté l’école aux Pays-Bas, j’ai constaté que la société néerlandaise était régie par un grand nombre de lois qui définissaient tous les aspects de la vie. Je me souviens d’une expression courante : « Vous avez outrepassé la loi. » C’est là la nature même d’une transgression : franchir une ligne ou dépasser une limite définie par la loi. Là est le sens positif d’une transgression. En revanche, le manque de conformité attire l’attention sur l’échec ou l’incapacité de faire ce que la loi exige.
De la même manière, les théologiens font une distinction entre les péchés de commission et les péchés d’omission. Nous commettons un péché de commission lorsque nous faisons quelque chose que nous ne sommes pas autorisés à faire et nous commettons un péché d’omission lorsque nous ne faisons pas ce que nous avons la responsabilité de faire. À cet égard, le péché a à la fois une dimension négative et une autre positive. Ces dimensions peuvent être liées aux spéculations théologiques historiques et philosophiques sur la nature même du mal. On dit que le mal est le talon d’Achille du judéo-christianisme, parce qu’il soulève des questions particulièrement difficiles : comment un Dieu tout à fait juste et bon peut-il créer un monde qui est maintenant déchu ? Dieu a-t-il causé le péché ? À partir de là, plusieurs se demandent si quelque chose ne va pas avec Dieu lui-même, puisqu’il y a manifestement quelque chose qui ne va pas dans le monde qu’il a créé.
Privatio et negatio
Les philosophes et les théologiens ont utilisé deux mots latins pour définir la nature du mal : privatio, duquel nous tirons le mot français privation, ainsi que negatio, duquel nous tirons le mot négation. Par ces termes, le péché est défini principalement dans des catégories négatives.
Une privation est un manque de quelque chose. Dans notre état déchu actuel, nous sommes privés de sainteté et de droiture. Nous sommes nés dans un état corrompu sans la justice originelle qu’Adam et Ève possédaient. De même, le mal est la négation du bien. La Bible parle du mal et du péché en utilisant des termes tels qu’impiété et injustice, de sorte que le péché est défini par rapport à la norme positive selon laquelle il est mesuré. Nous ne pouvons pas comprendre l’impiété avant d’avoir une compréhension de la piété ; nous ne pouvons pas comprendre l’injustice avant d’avoir une compréhension claire de la justice. Le terme antéchrist n’a pas de sens sans que nous comprenions d’abord le sens du terme Christ. Il y a donc un sens dans lequel le mal dépend de l’existence antérieure du bien pour sa définition même. Le mal est comme une sangsue, un parasite qui dépend de son hôte pour vivre. C’est pourquoi nous ne pouvons parler du problème du mal sans d’abord affirmer l’existence du bien.
Nous ne devons jamais conclure que le péché est une illusion : le péché est réel. Le péché est mystérieux, mais il existe une réalité du mal à laquelle nous participons, il ne nous envahit pas simplement de l’extérieur. C’est une chose dans laquelle nous sommes profondément, intimement et personnellement impliqués dans nos cœurs et nos âmes.
Cet article est adapté du livre : Nous sommes tous des théologiens – R. C. Sproul