Qui est le Serviteur souffrant d’Ésaïe 53 ? (John MacArthur)
Les anciens commentateurs juifs ont reconnu et admis l’importance messianique d’Ésaïe 53. D’après l’ancienne croyance de certains rabbins, le
Messie devait être pâle et maladif, considéré comme un lépreux, en raison
de la description du Serviteur souffrant d’Ésaïe 53.3 : « méprisé et abandonné […] semblable à celui dont on détourne le visage ». Le Talmud est un recueil imposant d’enseignements rabbiniques couvrant plusieurs siècles de traditions, de commentaires, d’avis juridiques, de philosophie, d’éthique et d’autres questions touchant aux coutumes juives. Bien qu’il date du cinquième siècle après Jésus-Christ, il inclut des traditions orales qui remontent jusqu’à deux ou trois siècles avant Jésus-Christ. L’une des sections du Talmud traite du Messie et du nom qu’il portera. « Quel est son nom ? », demande l’auteur. Quelqu’un donne en réponse le nom de «Schilo», d’après Genèse 49.10 (« Le sceptre ne s’éloignera point […] jusqu’à ce que vienne le Schilo »). Cependant, l’auteur indique que les rabbins affirment que son nom est « le lépreux de l’école du rabbin Juda le Prince », puisqu’il est écrit :
« Cependant, ce sont nos souffrances qu’il a portées, c’est de nos douleurs
qu’il s’est chargé ; et nous l’avons considéré comme puni, frappé de Dieu, et
humilié » (2). Il est évident que ces rabbins ont reconnu l’importance messianique d’Ésaïe 53, même s’ils se sont mépris sur certains détails essentiels.
Voici, par exemple, comment Ésaïe 53 était utilisé dans une prière juive solennelle, tirée d’une liturgie du neuvième siècle après Jésus-Christ, pour le jour des expiations :
Le Messie notre justice (ou « notre juste Messie ») nous a quittés : nous avons été saisis par l’horreur et nous n’avons personne pour nous justifier. Il a porté le joug de nos iniquités et de nos transgressions, et il est blessé en raison de notre transgression. Il porte nos péchés sur ses épaules, afin d’obtenir le pardon pour nos iniquités. Nous serons guéris par sa blessure lorsque l’Éternel en fera (du Messie) une nouvelle créature. Ô, élève-le du cercle de la terre, ressuscite-le de Séïr pour nous rassembler une seconde fois sur le mont Liban, par la main de Yinnon (3).
Un rabbin érudit et tenu en haute estime du seizième siècle a étudié la littérature portant sur Ésaïe 53 et a noté que, d’un point de vue strictement juif, ce passage était « difficile à arranger de façon littérale ». Il a toutefois reconnu que « nos rabbins ont, d’une seule voix, accepté et affirmé l’opinion selon laquelle le prophète parle du Messie Roi ». Ce rabbin, qui était lui même traditionaliste, a donc écrit : « Nous adopterons nous-mêmes le même point de vue ». Cependant, pour éviter de concéder que le passage parlait de Jésus, il a immédiatement ajouté : « Le Messie, bien sûr, est David » (4).
Pour ceux qui vivaient à l’époque de l’Ancien Testament, il est compréhensible que l’approche pour interpréter ce passage ait donné lieu à un certain degré de confusion. Comme la plupart des prophéties de l’Ancien Testament sur la venue du Messie, Ésaïe 53 était enveloppé d’un certain mystère jusqu’à ce que l’accomplissement de la prophétie en dévoile le sens. L’apôtre Pierre reconnaît que même « les prophètes […] ont fait de ce salut l’objet de leurs recherches et de leurs investigations ; ils voulaient sonder l’époque et les circonstances marquées par l’Esprit [du Messie] qui était en eux, et qui attestait d’avance les souffrances [du Messie] et la gloire
dont elles seraient suivies » (1 Pi 1.10,11).

Qu’on ne s’y trompe pas : l’Ancien Testament est rempli de prophéties concernant le Messie qui ne peuvent annoncer que Jésus. Il est le thème central non seulement de la prédication du Nouveau Testament (Ac 5.42 ; 8.12 ; 9.27 ; 11.20 ; 17.18 ; Ro 16.25 ; Tit 2.8), mais aussi de la prophétie de l’Ancien Testament. Après que Jésus l’ait appelé à le suivre, Philippe « rencontra Nathanaël, et lui dit : “Nous avons trouvé celui de qui Moïse a écrit dans la loi et dont les prophètes ont parlé, Jésus de Nazareth, fils de Joseph” » (Jn 1.45). Effectivement, « le témoignage de Jésus est l’esprit de la prophétie » (Ap 19.10).
Dans Jean 5.39, Jésus a dit aux chefs religieux juifs : « Vous sondez les Écritures, parce que vous pensez avoir en elles la vie éternelle : ce sont elles qui rendent témoignage de moi. » Plus tard au cours de cette discussion, le Seigneur a ajouté : « Car si vous croyiez Moïse, vous me croiriez aussi, parce qu’il a écrit à mon sujet » (Jn 5.46). Dans Matthieu 5.17, il a dit, à ceux qui écoutaient son sermon sur la montagne : « Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes ; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. » Il a réitéré cette assertion tout au long de son ministère sur terre (voir Mt 26.24,31,54,56 ; Mc 9.12 ; 14.26,27 ; Lu 4.16‑21 ; 18.31 ; 22.37 ; Jn 13.18 ; 15.25 ; 17.12 ; 19.28).
Cet article est tiré du livre : L’Évangile selon Dieu de John MacArthur
- Talmud Bavli, traité Sanhédrin 98b. La traduction anglaise est citée dans Yehoiakin ben Ya’ocov, Concepts of Messiah: A Study of the Messianic Concepts of Islam, Judaism, Messianic Judaism, and Christianity, Bloomington, Ind., Westbow, 2012, p. 34.
- Considéré comme étant composé par Eléazar Hakalir. « Yinnon » était un nom rabbinique employé pour le Messie. Cité dans David Baron, The Servant of Jehovah: The Sufferings of the Messiah and the Glory That Should Follow, trad. libre, New York, Marshall, Morgan & Scott, 1922, p. 14.
- Mosheh El-Sheikh (communément connu sous le nom de Moses Alshech), dans The Fifty-third Chapter of Isaiah According to the Jewish Interpreters, traduit par S. R. Driver et A. Neubauer, Oxford, R.-U., Parker, 1877, p. 258.