Serviteurs fidèles ou serviteurs méchants (R.C. Sproul)
Quel est donc le serviteur fidèle et prudent, que son maître a établi sur ses gens, pour leur donner la nourriture au temps convenable ? Heureux ce serviteur, que son maître, à son arrivée, trouvera faisant ainsi ! Je vous le dis en vérité, il l’établira sur tous ses biens. Mais, si c’est un méchant serviteur, qui dise en lui-même : Mon maître tarde à venir, s’il se met à battre ses compagnons, s’il mange et boit avec les ivrognes, le maître de ce serviteur viendra le jour où il ne s’y attend pas et à l’heure qu’il ne connaît pas, il le mettra en pièces, et lui donnera sa part avec les hypocrites : c’est là qu’il y aura des pleurs et des grincements de dents (Mt 24.45-51).
Lorsque j’étudiais au séminaire, l’un de mes professeurs était Markus Barth, fils du célèbre théologien suisse Karl Barth. Je me souviens avoir été étonné quand Markus Barth a publié un document didactique de deux cents pages sur les premiers mots de l’épître de Paul aux Romains : « Paul, serviteur de Jésus-Christ. » De nombreux volumes imposants ont été écrits sur les mots Jésus-Christ, mais ce qui m’a étonné dans les pages de Markus Barth, c’est que l’accent de son manuscrit portait sur le seul mot serviteur.
Le mot employé dans ce passage par Jésus et qui se traduit par « serviteur » est parfois rendu par « esclave ». On a souvent une réaction négative en entendant ce mot, mais la grande ironie de l’enseignement du Nouveau Testament est que personne ne devient jamais vraiment libre tant que l’on n’est pas devenu esclave de Jésus-Christ. Nous sommes tous esclaves d’une manière ou d’une autre. Soit nous sommes esclaves du Christ, soit nous sommes esclaves du péché. Il n’y a pour l’humanité aucune autre option.
L’une des métaphores préférées de Paul en ce qui concerne le statut du chrétien en Christ est la suivante : « Vous ne vous appartenez point à vous-mêmes » (1 Co 6.19b). Que veut-il dire par là ? Paul veut nous faire comprendre que les chrétiens ne peuvent jamais se considérer comme des personnes autonomes. Il poursuit en expliquant que nous ne nous appartenons pas parce que nous avons été rachetés à un grand prix (v. 20). Jésus a payé le prix de notre salut. La métaphore de Paul est essentielle en ce qui a trait à la vie du chrétien.
Dans le passage cité précédemment, Jésus demande : « Quel est donc le serviteur fidèle et prudent ? » Il est question ici de fidélité. C’est un terme plutôt étrange à utiliser pour parler d’un serviteur qui appartient à quelqu’un d’autre. Cependant, la signification la plus simple d’un serviteur fidèle est le serviteur rempli de foi, en qui on peut avoir confiance et dont la loyauté envers son maître reste constante.
Jésus continue en disant au verset 45 : « Quel est donc le serviteur fidèle et prudent, que son maître a établi sur ses gens, pour leur donner la nourriture au temps convenable ? » Le maître a dû s’absenter et avant de partir il a nommé l’un de ses serviteurs au poste d’intendant dans la maison jusqu’à son retour. Il l’a chargé de toutes les affaires de la maison. Nous remarquons que Jésus souligne la notion du temps. Il a parlé d’un serviteur fidèle responsable non seulement de donner la nourriture, mais aussi de la fournir à temps. Il a affirmé que ce serviteur serait béni si le maître le trouvait en train d’effectuer son travail à son retour. Le bon serviteur, le serviteur fidèle et prudent, est celui qui fait ce que son maître l’appelle à faire. Jésus dit encore au verset 47 : « Je vous le dis en vérité, il l’établira sur tous ses biens. » Le maître donnera au serviteur encore plus de responsabilités et il l’estimera davantage parce qu’il aura été fidèle dans les choses qu’il avait à gérer. Ces paroles font écho à celles que Jésus a prononcées dans Luc 16.10 où il dit que celui qui veut avoir des responsabilités dans le royaume doit d’abord être trouvé fidèle dans les petites choses.
Jésus décrit ensuite le méchant serviteur aux versets 48-51 : « Mais, si c’est un méchant serviteur, qui dise en lui-même : Mon maître tarde à venir, s’il se met à battre ses compagnons, s’il mange et boit avec les ivrognes, le maître de ce serviteur viendra le jour où il ne s’y attend pas et à l’heure qu’il ne connaît pas, il le mettra en pièces, et lui donnera sa part avec les hypocrites : c’est là qu’il y aura des pleurs et des grincements de dents. » Ici, le méchant serviteur entretient un monologue intérieur. Il se dit : « Mon maître est parti. Qui sait quand il reviendra ? Qui sait s’il reviendra un jour ? Il est temps de faire la fête ! Mon maître est retardé et je peux faire ce que je veux. »
Vous ne vous associez peut-être pas entièrement au méchant serviteur, mais la plupart d’entre nous avons un emploi et un employeur. Comment vous comportez-vous au travail quand personne ne vous regarde ? Restez-vous attelé à votre tâche ? Qu’en est-il de votre engagement envers la responsabilité qui vous a été confiée ? Quand personne ne vous surveille, en profitez-vous pour faire ce que vous voulez ?
Pourquoi notre comportement change-t-il quand personne ne nous observe ? Pourquoi les entreprises ont-elles mis en place des systèmes de pointage pour leurs salariés ? Pourquoi ne pouvons-nous pas nous attendre à ce que les gens viennent travailler à l’heure et ne partent que quand ils sont censés le faire ? À cause du péché. Parce que nous avons tendance à nous comporter d’une façon lorsque nous sommes surveillés et à agir différemment quand nous sommes libres de toute surveillance. Prenez l’exemple de la parabole du fils prodigue dans Luc 15.11-32. N’est-il pas intéressant de constater que le fils a pris l’héritage de son père pour aller le dilapider dans un pays voisin ? Il a agi ainsi parce que là-bas, personne ne le connaissait. Personne ne le surveillait. Il se sentait libre de toute restriction.
Le méchant serviteur n’est ni fidèle ni prudent. Il est comme l’insensé du Psaume 53.1 qui dit en son cœur : « Il n’y a point de Dieu ! » L’aveuglement le plus grave et le plus fatal des méchants consiste à croire que Dieu ne les jugera pas. La Bible nous dit que Dieu est lent à la colère et patient. Sa bonté et sa miséricorde s’expliquent par le fait qu’il désire nous donner le temps de nous repentir et de nous tourner vers le Christ. Par contre, nous ne devrions jamais partir du principe que la gracieuse patience de Dieu signifie qu’il ne nous demandera pas de rendre des comptes. Plusieurs sont tentés de penser ainsi. Dans ce passage, Jésus s’adresse à ceux qui supposent que le maître ne reviendra pas. Ils pensent que cela leur donne l’autorisation de faire ce qu’ils veulent. Sans surveillance, aucune fidélité, ni confiance, ni sagesse.
Le maître du serviteur viendra au jour et à l’heure où le serviteur ne s’y attendra pas. Et le maître dira au fidèle serviteur : « Je t’ai confié une responsabilité. Je te bénis, et je te donne une position plus élevée dans mon royaume avec davantage de responsabilités. » Mais le méchant serviteur ne méritera que jugement et séparation d’avec la maison du maître. La réaction du méchant serviteur se traduira par des pleurs et des grincements de dents.
Avez-vous déjà vu une personne pleurer et grincer des dents ? J’ai pour ma part connu un homme qui avait été surpris un jour à commettre une faute très grave. Il s’était alors mis à pleurer, à gémir et à sangloter. Rien ne pouvait le réconforter. Alors que ses pleurs se calmaient, il a finalement dit : « Comment ai-je pu faire cela ? Pourquoi ai-je agi de la sorte ? » Ce sera le genre de spectacle que donneront ceux qui auront ignoré leur maître.
La question évidente est par conséquent celle-ci : « Que serez-vous en train de faire quand il reviendra ? Vous trouvera-t-il fidèle ? Non pas de façon désinvolte ou occasionnelle, mais en permanence ? » Le Christ nous a rachetés pour lui-même, et il nous a confié une tâche à accomplir, que nous puissions le voir physiquement ou pas. Prions qu’il nous trouve fidèles quand il reviendra.
Cet article est tiré du livre : Vivons-nous les derniers jours ? de R.C. Sproul