Ses voies ne sont pas les vôtres (Dane Ortlund)

Attente contre réalité

Nous avons tendance à projeter sur Dieu nos attentes naturelles concernant son identité, au lieu de les contrer en laissant la Bible nous étonner par ce que Dieu dit lui‑même. Aucun autre texte biblique n’est sans doute plus éloquent à ce sujet qu’Ésaïe 55. Voici ce que dit Jean Calvin sur ce passage : « Il n’y a rien qui trouble plus nos consciences que lorsque nous pensons que Dieu est comme nous[1]. »

            Quand la vie tourne au drame, les chrétiens rappellent souvent aux autres, en haussant les épaules, que les voies de Dieu ne sont pas les nôtres. C’est ainsi qu’ils communiquent les mystères de la divine providence par laquelle il orchestre les événements de manières surprenantes. Les profondeurs mystérieuses de la divine providence constituent, bien entendu, une vérité biblique précieuse. Il reste que le passage dans lequel nous trouvons « ses voies ne sont pas nos voies » est tiré d’Ésaïe 55. Et en contexte, il revêt une signification bien différente. Il s’agit d’une affirmation étonnante non pas de la mystérieuse providence divine, mais du cœur compatissant de Dieu. Voici comment se lit tout le passage qui nous intéresse :

Cherchez l’Éternel pendant qu’il se trouve ; invoquez‑le, tandis qu’il est près. Que le méchant abandonne sa voie, et l’homme d’iniquité ses pensées ; qu’il retourne à l’Éternel, qui aura pitié de lui, à notre Dieu, qui ne se lasse pas de pardonner. Car mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos voies ne sont pas mes voies, dit l’Éternel. Autant les cieux sont élevés au‑dessus de la terre, autant mes voies sont élevées au‑dessus de vos voies, et mes pensées au‑dessus de vos pensées (És 55.6‑9).

La première partie de ce passage nous indique quoi faire. La seconde partie nous dit pourquoi le faire. La transition vient vers la fin du verset 7 (qui se termine par : « [Dieu] ne se lasse pas de pardonner »). Remarquez toutefois le raisonnement exact.

            Dieu nous appelle à le chercher et à faire appel à lui, et il invite même les méchants à se tourner vers lui. Que se produira‑t‑il lorsque nous le ferons ? Dieu « aura pitié de » nous (v. 7). Le parallélisme dans la poésie hébraïque nous procure un autre moyen de déclarer que Dieu usera de compassion envers nous : « [Dieu] ne se lasse pas de pardonner » (v. 7). Il s’agit d’une source de profonde consolation, pour nous qui nous éloignons souvent du Père, recherchant la paix de l’âme partout sauf dans son étreinte et ses instructions. Si nous revenons à lui, poussés par une contrition renouvelée, malgré toute la honte et tout le dégoût que nous nous inspirons à nous-mêmes, il ne nous pardonnera pas avec tiédeur. Il ne se lassera pas de nous pardonner. Il ne se contentera pas de nous accepter. Il nous étreindra de nouveau.

De nouveaux yeux

            Remarquez cependant la direction que prend ce passage. Les versets 8 et 9 nous conduisent plus en profondeur dans ce pardon inlassable et empreint de compassion. Le verset 7 nous a indiqué ce que Dieu fait ; les versets 8 et 9 nous communiquent qui il est. Autrement dit, Dieu sait que même lorsque nous entendons parler de son pardon empreint de compassion, c’est avec une vision restreinte du cœur d’où émane ce pardon que nous nous attachons à cette promesse. Voilà pourquoi l’Éternel poursuit ainsi :

Car mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos voies ne sont pas mes voies, dit l’Éternel. Autant les cieux sont élevés au‑dessus de la terre, autant mes voies sont élevées au‑dessus de vos voies, et mes pensées au‑dessus de vos pensées.

            Que dit Dieu ? Il nous indique qu’il est impossible, avec notre ancien regard, de voir les expressions de sa miséricorde. Notre perception même de Dieu doit changer. Que dirions‑nous à un enfant de sept ans qui, venant de recevoir un cadeau d’anniversaire de la part de son père aimant, se met immédiatement à fouiller dans sa tirelire à la recherche de quoi le rembourser ? Quelle souffrance pour ce père ! Cet enfant devrait changer sa perception concernant l’identité de son père et ce qu’il est ravi de faire.


Il ne se contente pas de nous accepter : Il nous prend à nouveau dans ses bras.


            La nature déchue du cœur humain nous incline à la réciprocité, au donnant‑donnant, à l’égalité, à l’équilibre de la balance. Nous sommes beaucoup plus légalistes que nous en sommes conscients. Quelque chose de sain et de glorieux est bien sûr enfoui dans cette impulsion – ayant été créés à l’image de Dieu, nous préférons l’ordre et l’équitabilité au chaos. En revanche, notre chute désastreuse dans le péché a corrompu cette impulsion, comme toutes les dimensions de notre être. Notre capacité à comprendre le cœur de Dieu s’en trouve affectée.

Elle nous laisse une perception altérée de ce qu’il ressent à l’égard de son peuple, une perception altérée (attribuable encore une fois au péché) qui nous amène à penser qu’il s’agit en fait d’une perception exhaustive et exacte de l’identité de Dieu. Comme un petit‑fils qui, voyant un billet de cent dollars tout neuf, conclut que son grand‑père doit être très riche, sans savoir que ce cadeau n’est qu’une part infime des milliards de dollars en immobilier desquels il provient.

C’est ainsi que Dieu énonce explicitement à quel point notre perception naturelle de son cœur est étriquée. Ses pensées ne sont pas nos pensées. Ses voies ne sont pas nos voies. Or, il ne s’agit pas d’une légère variation de quelques degrés. Non, « [autant] les cieux sont élevés au‑dessus de la terre » – une façon en hébreu d’exprimer l’infinitude spatiale –, « autant mes voies sont élevées au‑dessus de vos voies, et mes pensées au‑dessus de vos pensées » (v. 9).

Notes :

[1] Jean Calvin, Commentaire sur le prophète Ésaïe, < https://www.bibliaplus.org/fr/commentaries/3/commentaire-biblique-de-jean-calvin/esaie/55/9 > (page consultée le 17 mars 2021).


Cet article est adapté du livre : « Doux et humble de coeur » de Dane Ortlund