Son objectif bienveillant est notre transformation (David Powlison)
La quatrième strophe du cantique « Quel solide fondement ! » explique plus clairement les desseins de Dieu.
Il poursuit trois objectifs par nos grandes souffrances. Il souhaite nous révéler sa constante générosité, éliminer notre manque de générosité et nous rendre éternellement généreux.
Lorsque tu passeras par le feu,
Ma grâce suffira et sera ton bien suprême.
La flamme ne te brûlera pas, car je veux simplement
Consumer tes impuretés et purifier ton or.
Notre Seigneur compatissant est avec nous pour réaliser son objectif. La métaphore du feu qui, ultimement, ne nous brûlera pas, vient du livre d’Ésaïe (43.2), mais la principale promesse de cette strophe est inspirée de la première Épître de Pierre (1.6-9). Pierre emploie la métaphore d’un four de fusion. Nous sommes des créatures mêlées, voire souvent embrouillées. Grâce à l’intervention de Dieu, l’expérience de la souffrance nous purifie. Son amour travaille pour enlever le mal en nous, c’est-à-dire nos impuretés. Il en découle une joie et un amour croissant pour Dieu, en Jésus-Christ, et un amour plus sincère envers les autres ; voilà notre or. Pierre ajoute que cette œuvre est le fruit de la foi, puisque nous n’avons jamais vu Jésus. Cependant, il devient de plus en plus réel au milieu des épreuves ardentes.
Considérons d’abord les impuretés, et ensuite l’or…
Éliminer nos impuretés
La plupart du temps, nous avons raison de séparer l’épreuve du péché. Nos actions et les événements extérieurs sont deux choses différentes. Le péché est l’agent moral qui nous pousse à mal agir. La souffrance est causée par le mal qui nous frappe. En théorie, l’agent et la victime diffèrent. Notre rapport à la souffrance est fondamentalement différent maintenant que nous sommes une nouvelle création en Jésus-Christ.
Il faut cependant noter, qu’en qualité de nouvelle création en Jésus-Christ, notre rapport au péché a également changé. Aujourd’hui, le péché nous afflige. Les impuretés cachées au fond de notre cœur et nos péchés tenaces ne définissent plus la personne que nous sommes et nous déplaisent. Le péché qui habite en nous devient donc une des composantes de notre grande souffrance. Nous sommes maintenant tourmentés par ce que nous aimions d’instinct auparavant.
Quels péchés exercent encore une emprise sur vous ?
Une vie centrée sur vous-même et l’oubli de Dieu ? la rectitude religieuse obsessive qui vous prive de votre humanité ? l’orgueil qui vous donne une attitude défensive et vous rend sûr de vous ? la paresse, l’activisme ou une combinaison des deux ? l’irritation, le jugement et les plaintes ? les fantasmes et les pulsions immorales ? Une obsession maladive pour l’argent, la nourriture ou les divertissements ? la crainte du jugement des autres ? l’envie des avantages dont d’autres jouissent ? l’embellissement de la vérité pour redorer votre image ? des paroles vides et destructrices au lieu d’une sagesse constructive, pleine de grâce et de vérité ?
Voilà le péché endémique du quotidien. Nous reconnaissons dans cette liste les « sept péchés capitaux » et quelques ajouts qui décrivent la folie répandue dans tous les cœurs. Je me reconnais dans chacun de ces péchés, et je soupçonne qu’il en va de même pour vous. Notre Père nous aime et ses compassions, plus nombreuses que les cheveux sur notre tête, se renouvellent chaque matin. Il est bon et agit avec bonté. Il a choisi de nous aimer ; il a sauvé et adopté les enfants de la rue que nous étions. Nous l’aimons sincèrement en retour, mais notre amour est loin d’être parfait.
C. S. Lewis a décrit avec éloquence le fait que nous n’admettons notre grand besoin de la grâce rédemptrice de Dieu qu’au prix d’une lutte incessante, vaste et profonde :
Par sa nature même, l’amour de l’homme à l’égard de Dieu doit toujours être, fondamentalement et entièrement, un amour-besoin. Ce principe est évident lorsque nous implorons le pardon de nos péchés ou le soutien dans les épreuves. Mais à long terme, la véracité de ce principe apparaît plus clairement avec la réalisation progressive que tout notre être, dans son essence, n’est qu’un vaste besoin. Incomplet, préliminaire, vide et pourtant chaotique, il invoque Celui qui peut dénouer les situations inextricables et régler les problèmes en suspens.
Que nous nous sentions liés ou dans l’incertitude, Dieu entend nos cris et déclare : « Tu m’appartiens. Courage ! J’achèverai l’œuvre que j’ai commencée. »
Le changement fondamental dans notre relation avec Dieu transforme complètement le rapport au péché qui subsiste en nous
En Jésus-Christ, lorsque nous péchons, nous basculons forcément dans l’oubli, dans un état de folie passagère. Le péché est notre pire cancer, notre handicap le plus lourd, notre ennemi le plus perfide, notre détresse la plus profonde. Il représente à lui seul la force la plus destructrice qui perturbe notre vie. Rien d’autre dans l’univers ne menace autant notre vie et notre bien-être.
Affirmer que le péché nous fait sombrer dans une sorte de folie n’a pas pour but de justifier ou d’excuser nos égarements. Lorsque nous péchons, nous péchons. Lorsque nous tenons à tout prix à avoir le dernier mot, perdons notre temps devant le téléviseur, nous inventons un monde romantique ou érotique, maugréons contre le temps qu’il fait, sommes obsédés par nos performances afin d’impressionner des gens importants, angoissons, critiquons, parlons en mal des autres… c’est nous qui faisons ces choses. Nous ne pouvons incriminer les œuvres de la chair ou leur attribuer quelque mérite que ce soit en invoquant un dédoublement de la personnalité, les hormones, l’influence satanique ou l’éducation. C’est nous qui agissons. Nous voulons agir de la sorte, mais une fois revenus à la raison, nous ne le voulons pas réellement, car nous finissons par revenir à la raison.
En dépit de la dualité conflictuelle de sa conscience, le chrétien revient toujours à son bon sens
Nous dévions de notre trajectoire, nous péchons, mais nous revenons au Seigneur parce que notre attachement envers lui est plus fort. Et il en est ainsi à cause de son attachement absolu envers nous, et parce que la nouvelle création est déjà à l’œuvre en nous. Bon nombre de psaumes décrivent cette tension entre notre inclination à pécher et la loyauté envers notre Rédempteur qui nous éloigne du péché. Ils reconnaissent la sombre dynamique du péché qui habite en nous tout en proclamant leur amour pour les compassions et la bonté triomphantes du Seigneur.
Dans nos moments de lucidité, nous nous voyons tels que nous sommes et notre inclination au mal nous afflige : « Je suis ce que je ne veux pas être. Je fais ce que je ne veux pas faire. Je n’éprouve pas les sentiments que je veux éprouver. Je pense à ce que je ne veux pas penser. Je désire ce que je ne veux pas désirer. » Ces contradictions profondes nous sont familières : « Je veux aimer Dieu avec joie mais je me perds dans les méandres de ma complaisance. Je veux aimer librement les autres mais je manque d’amour. Je veux pardonner mais je remâche mon amertume. Je veux donner aux autres mais je les exploite ou les ignore. Je veux écouter et apprendre mais je suis entêté et borné. C’est dans le miroir que je vois mon plus grand problème ; il me regarde droit dans les yeux. »
Or le péché qui habite en nous ne définit pas les personnes que nous sommes. Il s’y oppose ; il constitue une aberration et non une identité. Notre volonté propre est un principe contradictoire agissant en nous. C’est pourquoi nous regardons au-delà de l’image que nous renvoie le miroir :
« Seigneur Jésus, ton amour pour moi aura le dernier mot. Tu as compassion de moi à cause de ton nom, à cause de ta bonté, à cause de ton immense amour et de ta grâce (Ps 25). Lorsque tu penses à moi, tu te souviens qui tu es, voilà ma joie et mon allégresse. Mon espérance est inaltérable, car tu t’es tourné vers moi et tu ne te détourneras jamais de moi. »
Toutes les promesses du cantique s’appliquent autant à la souffrance causée par le mal en nous qu’à la souffrance causée par le mal commis contre nous. Nous ne considérons pas forcément le péché en nous comme une grande souffrance, mais faisons un rapprochement entre les deux. De quelle manière nos difficultés venues de l’extérieur révèlent-elles les péchés intérieurs sur lesquels Dieu travaille ? Comment pouvons-nous avoir l’assurance qu’il nous délivrera des péchés qui nous affligent ? Il brûlera nos impuretés dans le feu de son amour pour nous.
Purifier notre or
À quoi ressemble notre or ? Notons tout d’abord qu’il est appelé « notre » or. Dieu a commencé en nous une belle œuvre de foi et d’amour. J’ai décrit, dans les pages précédentes, de quelle manière la foi pense et parle conformément à la passion lucide des Psaumes. Cette foi nous fait goûter à des grâces excellentes. Examinons donc deux aspects clés de l’amour produit par la foi. Les bienfaits les plus inestimables – passés ou à venir et dont le monde est témoin – ne peuvent émerger que dans le contexte de la souffrance. Nous considérerons d’abord la persévérance courageuse, puis l’amour sage ; le feu purificateur produit de l’or au milieu même de l’affliction.
1. La grâce nous enseigne à être courageux
Par ses paroles : « Ne crains pas », Dieu ne nous exhorte pas à cesser simplement de paniquer et à vivre un calme relatif. Il ne déclare pas : « N’aie pas peur. Détends-toi, tout ira bien », mais plutôt : « N’aie pas peur. Je suis avec toi, sois donc fort et courageux ». Voyez-vous la nuance ? Les eaux tumultueuses ne se sont pas apaisées. Les difficultés exercent encore leur pression sur nous. L’opposé de la crainte, c’est le courage, et non la sérénité imperturbable. La bravoure fait preuve de courage devant des situations terrifiantes. Elle continue à être constructive au sein d’un cadre stressant et désagréable. Par « courage », on entend plus que la libération du sentiment d’angoisse. La persévérance supporte avec détermination ce qui est difficile et douloureux et prend les autres en considération, même lorsque la situation est pénible.
2. La grâce nous enseigne à aimer avec sagesse
La persévérance courageuse sert en réalité à nous apprendre à aimer avec sagesse. Dieu nous façonne à l’image de Jésus par les épreuves de la vraie vie. Jésus incarne deux qualités qu’on retrouve rarement ensemble : une véritable compassion et des conseils judicieux. Il se propose de les implanter en nous. Certains individus prennent soin des autres avec zèle, mais les mots leur manquent. Leur compassion semble impuissante. Ils servent des banalités et contribuent à l’apitoiement et à la revendication des droits de la victime. D’autres prodiguent des conseils mais ne prennent aucune part aux douleurs de celui qui souffre. Leurs conseils sont froids. Ils deviennent impatients si les changements s’opèrent trop lentement et ne prennent pas en considération le sens de l’affliction de l’individu éprouvé. Ni l’un ni l’autre n’est en mesure d’offrir un réconfort et une direction véritables.
Or, après avoir traversé des épreuves difficiles et avoir découvert que Dieu dit toujours vrai, nous sommes en mesure d’apporter une aide véritable. Nous connaissons par expérience autant sa grâce rassurante que ses objectifs déterminés. Il nous a gardés dans la souffrance, il nous a façonnés à son image. Les paroles du cantique sont donc vraies. Nous voilà prêts à communiquer avec générosité aux autres notre vécu avec Dieu. Nous apprenons à la fois la douceur et la lucidité nécessaires pour aider à sanctifier les profondes détresses d’autres individus.
La souffrance s’accompagne forcément de solitude, car personne ne comprend parfaitement l’expérience de son prochain. Le cœur « connaît ses propres chagrins » (1 R 8.38 ; Pr 14.10). Dieu veille à ce qu’aucune aide humaine ne remplace celle du Seigneur, car lui seul peut véritablement s’approcher de nous dans l’intimité de notre cœur. Nous pouvons cependant porter les fardeaux les uns des autres avec amour, et nous conseiller mutuellement dans la vérité. Les échanges fondés sur un amour sage sont l’une des joies les plus profondes de la vie.
Cet article est tiré du livre : La grâce de Dieu dans la souffrance de David Powlison