Un culte à mon image : Le deuxième commandement pour aujourd’hui
Tu ne te feras point d’image taillée, ni de représentation quelconque. (Exode 20.4)
Nous ne façonnons peut-être pas nos propres veaux d’or aujourd’hui, mais l’interdiction d’« images taillées » énoncée dans le deuxième commandement reste étonnamment pertinente pour la façon dont nous approchons Dieu dans notre vie quotidienne et dans notre culte hebdomadaire.
Très peu de temps s’est écoulé entre le moment où Israël a reçu les « Dix Paroles » au mont Sinaï et celui où il a enfreint de manière flamboyante le deuxième commandement. Dans l’Exode, nous trouvons le peuple de Dieu non seulement en train de trébucher dès le départ – en se plaignant étonnamment peu de temps (Exode 15.24) après sa spectaculaire délivrance, à travers la Mer Rouge (Exode 14-15) – mais ensuite, immédiatement après avoir reçu la loi de Dieu, il rejoue la chute de l’humanité en rompant l’alliance presque aussitôt qu’elle a été inaugurée.
Les première et deuxième « paroles », ou commandements, d’Exode 20 forment une paire : (1) pas d’autres dieux et (2) pas d’images sculptées. Le premier traite de qui nous adorons (le vrai Dieu seul), tandis que le second traite de comment le faire : pas de la manière que nous préférons, ni en adoptant les pratiques des peuples environnants, non croyants. Il s’agit plutôt d’adorer Dieu selon les voies qu’il a révélées, des voies qui sont souvent contre-culturelles et parfois inconfortables, à l’époque comme aujourd’hui.
Comment vont-ils adorer ?
Après le don des dix commandements dans Exode 20.1-21, que tout le peuple a entendu, Moïse reçoit des lois sur les autels, les esclaves, la restitution, les sabbats et les fêtes dans 20.22-23, 33. En Exode 24, le peuple confirme l’alliance, avec l’effusion du sang du sacrifice, en confessant : « Nous ferons tout ce que l’Éternel a dit, nous y obéirons. » (Exode 24.7) Moïse monte ensuite sur la montagne pour recevoir des instructions concernant le tabernacle, son mobilier et le sacerdoce (Exode 25-31) – comment la nation va l’adorer. Il s’absente pendant quarante jours.
Pendant ce temps, la longue absence de Moïse épuise la nation. Ils se lassent de l’enfermement et sont prêts à reprendre leur vie en main, et se diriger vers la Terre promise. Ils disent à Aaron : « Allons ! Fais-nous des dieux qui marchent devant nous, car ce Moïse, l’homme qui nous a fait sortir d’Égypte, nous ignorons ce qu’il est devenu. » (Exode 32.1) Aaron, dans ce qui est peut-être la quintessence de la sympathie qui tourne mal dans la Bible, cède.
Aussi confus que le peuple ait pu être quant à savoir s’il se tournait vers d’« autres dieux » ou s’il était simplement trop impatient pour attendre les instructions de Dieu en matière de culte (chapitres 25-31), Aaron, pour sa part, est clair : l’Éternel (Yahvé) n’est pas remplacé. Aaron façonne le veau d’or (au singulier) et déclare qu’il s’agit du Dieu « qui t’a fait sortir du pays d’Égypte » (Exode 32.4). Il proclame : « Demain, il y aura fête en l’honneur de l’Éternel ! » (Exode 32.5)
En d’autres termes, il ne s’agit pas ici d’une violation du premier commandement, mais du second. Aaron déclare que « l’Éternel » (Yahvé) est celui qu’ils vont adorer (ce qui est confirmé par le récit de Néhémie 9.18), mais lui et le peuple ont choisi leur propre voie, plutôt que celle de Dieu, pour l’adorer. Comme les nations environnantes, ils vont adorer (à travers) une image sculptée, plutôt que d’attendre que Yahvé leur dise comment adorer.
Lorsque Moïse revient, brûlant de colère, il déclare à trois reprises que le peuple a commis « un grand péché » (Exode 32.21,30,31), qu’il résume dans les termes du deuxième commandement : « Ils se sont fait . . . » (Exode 32.31), comme dans « Tu ne te feras point d’image taillée » (Exode 20.4).
La logique sous-jacente du grand péché
Pourquoi s’agit-il d’un « grand péché » si le peuple a toujours l’intention d’adorer Yahvé (et non d’« autres dieux ») ? En d’autres termes, pourquoi le premier commandement ne suffit-il pas ? Pourquoi Dieu voudrait-il non seulement préciser le qui de l’adoration de son peuple, mais aussi le comment ? Existe-t-il une logique sous-jacente au deuxième commandement qui rende sa violation si sévère ?
Pour commencer, la deuxième parole nous parle du vrai Dieu. Il n’est pas un Dieu provenant de notre fabrication ou de notre imagination, ni même de notre propre découverte. Il est plutôt le Dieu qui se révèle à nous non seulement dans son monde, mais aussi dans sa parole. Il prend l’initiative de parler à son peuple et de lui révéler la vérité sur qui il est, qui nous sommes, pourquoi le monde existe et comment le péché l’a corrompu. Il serait incompatible avec la nature de Dieu, qui parle et prend l’initiative, de laisser à son peuple le soin d’inventer (ou d’adopter de nations non-croyantes) comment l’adorer.
La deuxième parole, cependant, parle aussi, de manière peut-être surprenante, de nous, les humains. Enfreindre le deuxième commandement n’est pas seulement une rébellion contre le Créateur, mais aussi une attitude indigne de la part de ses créatures humaines. Nous pourrions même dire que la rébellion vient précisément de son caractère indigne.
Des images qui font des images
Deux mots clefs dans Exode 20.4 sont image et représentation : « Tu ne te feras point d’image taillée, ni de représentation quelconque. » Ce n’est pas la première fois que cette paire apparaît dans la Bible – et les associations ne sont pas non plus diffuses. C’est le langage de la création de l’homme. Le terme « image » apparaît dans Genèse 1.26-27 ; 5.3 ; et 9.6 – « Dieu créa l’homme à son image ». Et le mot « représentation » ? On le trouve seulement dans Genèse 1.26 et 5.1-3 : « Lorsque Dieu créa l’homme, il le fit à la ressemblance de Dieu. » En d’autres termes, Dieu fit de l’homme son représentant.
Trouve-t-on les termes image et ressemblance ensemble ? À part Exode 20.4, on ne les trouve qu’en Genèse 1 et 5, Deutéronome 5.8 (qui répète le deuxième commandement), et Deutéronome 4.16, qui établit le lien avec le « grand péché » du veau d’or : « Ne vous corrompez pas et ne vous faites pas d’image taillée, de représentation d’une idole quelconque, que ce soit sous la forme d’un homme ou d’une femme. »
En d’autres termes, les liens sont frappants entre l’être humain « créé à l’image de Dieu » et le deuxième commandement. Nous ne comprendrons pas profondément le deuxième commandement sans nous souvenir de la création de l’homme à l’image et à la ressemblance de Dieu. Et en faisant ce lien, nous voyons qu’enfreindre le deuxième commandement, c’est non seulement rejeter la nature révélatrice et initiatrice de Dieu, mais aussi renverser notre propre être.
Dieu a créé l’homme à son image pour afficher, refléter et représenter visiblement le Dieu invisible dans le monde qu’il a créé. Mais la nature même du péché est que ses créatures ont rejeté cette haute vocation en cherchant plutôt à se faire une image de Dieu (Romains 1.22-23). Ce qui était si tragiquement faux dans le veau d’or, ce n’était pas que le Dieu invisible ne choisisse pas de se manifester par des images dans le monde, mais que son peuple soit « fait à son image ». Fabriquer nos propres images de Dieu pour l’adorer, c’est rejeter notre vocation et notre dignité d’imageurs de Dieu. Ils ont créé une image pour eux-mêmes au lieu de reconnaître qu’ils ont été créés eux-mêmes à l’image de Dieu.
Un mari saint et zélé
Bien qu’il serait juste pour Dieu de mettre fin à tout cela sur-le-champ – que ce soit au moment de la consommation du fruit défendu ou de la fabrication de l’image interdite – il est miséricordieux et compatissant. Non seulement la transgression du deuxième commandement est un « grand péché », mais on trouve également dans Exode 20.4-6 une démonstration étonnante du cœur de Dieu pour son peuple élu. Il justifie sa « deuxième parole » comme suit : « Car moi, l’Eternel, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux. »
Jaloux est un mot délicat en anglais. C’est peut-être le meilleur équivalent de l’hébreu, mais nous percevons généralement la jalousie avec des connotations négatives. Zèle pourrait aider. Le Grand Catéchisme de Westminster parle du deuxième commandement comme « son zèle fervent pour son propre culte ». Pourtant, le zèle seul n’implique pas la sainte jalousie d’un mari aimant, dont le désir juste et exclusif pour son épouse de l’alliance n’est pas une marque de faute. En fait, son absence serait une faute en lui.
La phrase qui suit est la suivante : « … Je punis la faute des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et la quatrième génération de ceux qui me détestent, 6 et j’agis avec bonté jusqu’à 1000 générations envers ceux qui m’aiment et qui respectent mes commandements » (Exode 20.5-6). Yahvé est juste et équitable. Il ne balaie pas le péché, ni même la haine à son égard, sous le tapis (et faire une image taillée, c’est haïr Dieu). En revanche, l’adorer comme il l’a révélé, c’est l’aimer.
Ne manquez pas l’asymétrie saisissante : quatre générations contre des milliers. Quatre générations de répercussions pour « ceux qui me détestent », mais un amour inébranlable pour des milliers de « ceux qui m’aiment et qui respectent mes commandements ». Le Dieu jaloux est un Dieu dont l’amour est profond et résilient.
L’image à venir
Pourtant, il est clair qu’une tension demeure. Comment ce mari divin, dans sa sainte jalousie, peut-il montrer un amour indéfectible à une épouse alliancielle qui est si manifestement et profondément pécheresse, sans compromettre sa justice ? Cela nous pousse encore plus loin vers la réalité, au fond, que le deuxième commandement protégeait.
De ce côté-ci de la croix et de la résurrection, nous savons maintenant que si l’humanité a été créée à l’image de Dieu, Christ lui-même est l’image de Dieu. L’apôtre Paul rend cette réalité sans équivoque. Il dit de Christ : « Le Fils est l’image du Dieu invisible » (Colossiens 1.15), et parle de « Christ, qui est l’image de Dieu » (2 Corinthiens 4.4). Pour ceux qui ont été réconciliés en Christ avec le vrai Dieu, nous sommes restaurés dans notre grande vocation à refléter Dieu dans son monde en étant rendus « semblables à l’image de son Fils » (Romains 8.29 ; également 1 Corinthiens 15.49 ; Colossiens 3.10).
Et Christ, en tant qu’image visible prééminente de Dieu, n’est pas seulement le moule de notre destinée restaurée, mais aussi celui par qui, et en qui, nous adorons Dieu. Le contempler dans le culte est aussi le moyen de notre renouveau : « Nous tous dont le visage découvert reflète la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image, de gloire en gloire, par l’Esprit du Seigneur. » (2 Corinthiens 3.18)
Les dix paroles du Sinaï n’ont pas été la révélation finale de Yahvé au monde. Sa parole culminante, en la personne de son Fils, pleinement Dieu et pourtant pleinement homme, devait attendre encore quinze siècles. Mais pendant ce temps, le deuxième commandement allait protéger la grande et singulière image à venir dans l’incarnation. Non, notre Dieu n’est pas opposé aux images. En effet, il nous a créés à son image, et il a envoyé son Fils en tant que son image – et il voudrait que son peuple soit et regarde les images qu’il a créées, et non qu’il renverse son être même et fabrique les siennes.
Nous pourrions dire que l’incarnation n’enfreint pas tant le deuxième commandement qu’elle ne l’accomplit. Le deuxième commandement, tout en protégeant l’appel de Dieu à son peuple à l’imiter, a préparé la voie pour que le Dieu invisible se manifeste, se rende visible à nous, comme l’un de nous, en la personne de Christ.
Le commandement aujourd’hui
Rien de tout cela ne signifie qu’aujourd’hui, Christ étant venu, nous pouvons sculpter nos propres images pour le culte, ou lui rendre le culte de notre choix.
Le Nouveau Testament est un manuel pour les nations, pour l’expansion mondiale, minimal dans ses exigences extérieures pour le culte. Le culte de la nouvelle alliance, avec son essence intérieure et sa conception mondiale, traverse et transcende les divisions tribales et ethniques, en s’inspirant soigneusement et en défiant courageusement les cultures et les formes dans lesquelles l’Évangile progresse et grandit. Sans intentionnalité missionnaire, nous sommes enclins à ne pas voir à quel point nous pouvons être subtilement tentés d’adorer Dieu par des moyens empruntés aux non-croyants, ou par des moyens qui satisfont nos propres préférences ou notre confort, plutôt que par des moyens qui découlent de la révélation que Dieu nous fait dans les Écritures.
Bien que nous ne soyons pas sous l’Ancienne Alliance aujourd’hui, l’instinct du deuxième commandement pourrait nous amener à nous demander, en tant qu’églises, dans quelle mesure notre désir de rendre nos rassemblements collectifs de culte confortables pour les non-croyants et pour nous-mêmes est devenu central ? Nos croyances et nos pratiques ne nous mettent-elles pas aussi, dans un sens sacré, mal à l’aise, nous et notre monde ? Les non-croyants parmi nous pourraient-ils raisonnablement dire : « Au lieu de me donner envie de devenir plus semblable à eux, on dirait qu’ils veulent devenir plus semblables à moi » ?
Le deuxième commandement pourrait aussi nous amener à nous demander : qui fixe les termes d’orientation de ma vie en tant qu’acte d’adoration ? Est-ce Dieu, à travers sa parole, ou est-ce (peut-être de manière presque imperceptible) le monde qui m’entoure ? Dans quelle mesure suis-je enclin à essayer de créer mon propre sens (en l’empruntant au monde) plutôt que d’accepter d’être fait à l’image de Dieu, et de chercher à vivre dans la haute vocation d’être à lui, et de me tourner vers Jésus, son image parfaite ?
En d’autres termes, le deuxième commandement nous oblige à nous demander, encore et encore, quelle est la place centrale de la parole de Dieu dans ma vie et dans notre culte ?