Un Dieu qui se révèle (R.C. Sproul)
Puisque le fini ne peut pas saisir l’infini, comment pouvons-nous, en tant qu’êtres humains limités, apprendre quoi que ce soit sur Dieu ou avoir une connaissance significative ou utile de qui il est ? Calvin a déclaré que Dieu, dans son aménité et sa miséricorde, daigne zézayer pour nous. Autrement dit, il s’adresse à nous selon nos termes et dans notre propre langue, comme un parent devant un nourrisson. Nous appelons cela le « langage de bébé » ; néanmoins, quelque chose de significatif et d’intelligible est communiqué.
Nous retrouvons cette idée dans le langage anthropomorphique de la Bible. Anthropomorphique vient du grec anthrōpos, qui signifie « homme », « humanité » ou « humain », et morphologie est le terme qui désigne l’étude des formes et des silhouettes. Par conséquent, nous pouvons facilement voir qu’an- thropomorphique signifie simplement « sous forme humaine ». Lorsque nous lisons dans les Écritures que les cieux sont le trône de Dieu et que la terre est son marchepied (voir És 66.1), nous imaginons une divinité massive, assise dans les cieux et posant ses pieds sur la terre, mais nous ne pensons pas vraiment que c’est ce à quoi Dieu ressemble. De même, nous lisons que Dieu possède toutes les bêtes des montagnes par milliers (voir Ps 50.10), mais nous n’interprétons pas cela comme signifiant qu’il est un grand éleveur de bétail, propriétaire d’un ranch, qui descend de temps en temps sur terre affronter le diable en duel à coups de pistolet. Au contraire, cette image nous communique que Dieu est puissant et autosuffisant, tout comme l’est un humain qui possède de vastes troupeaux.
Les Écritures nous disent que Dieu n’est pas un homme – il est esprit (voir Jn 4.24) et n’est donc pas un être physique. Pourtant, il est souvent décrit avec les attributs d’un corps humain. On trouve des mentions de ses yeux, de sa tête, de son bras droit puissant, de ses pieds et de sa bouche. La Bible dit de Dieu qu’il a non seulement des attributs physiques, mais aussi émotionnels. Nous lisons à certains endroits que Dieu se repent, mais, ailleurs dans les Écritures, il nous est dit que le Seigneur ne change pas d’avis. Il est décrit dans certains cas en termes humains, parce que c’est la seule façon pour l’homme de parler de Dieu.
Nous devons nous efforcer de bien comprendre ce que le langage anthropomorphique de la Bible transmet. D’une part, la Bible affirme ce que ces formes communiquent à propos de Dieu. D’autre part, de manière plus didactique, elle nous avertit que Dieu n’est pas un homme. Cela ne signifie pas pour autant que le langage abstrait, technique et théologique est supérieur au langage anthropomorphique. L’affirmation « Dieu est omnipotent » n’est pas préférable à celle selon laquelle « Dieu possède toutes les bêtes des montagnes par milliers ». La seule façon dont nous pouvons comprendre le mot omni ou tout, c’est par notre capacité humaine à saisir ce que tout signifie. De même, nous ne concevons pas le pouvoir de la même manière que Dieu le conçoit. Il a une compréhension infinie de la puissance, alors que nous n’en avons qu’une compréhension limitée.
Pour toutes ces raisons, Dieu ne nous parle pas dans sa langue ; il nous parle dans la nôtre. Et parce qu’il s’adresse à nous dans le seul langage que nous comprenons, nous sommes capables de le saisir. Autrement dit, tout le langage biblique est anthropomorphique, et tout ce qui traite de Dieu l’est également, parce que c’est la seule façon dont nous pouvons comprendre, et ce parce que nous sommes des êtres humains.
En raison de ces limites imposées par le fossé qui existe entre le Dieu infini et les êtres humains limités, l’Église a dû se montrer prudente dans sa façon de chercher à décrire Dieu.
L’une des façons les plus courantes de le faire s’appelle la via negationis. Une via est une « route » ou un « chemin ». Le mot negationis signifie simplement « négation », ce qui s’avère l’une de nos principales manières de parler de Dieu. Autrement dit, nous le décrivons en disant ce qu’il n’est pas. Par exemple, nous avons noté que Dieu est infini, ce qui signifie « non fini », sans limites. D’autre part, les êtres humains changent au fil du temps. Ils subissent des mutations, c’est pourquoi on dit d’eux qu’ils sont « mutables ». Dieu, en revanche, ne change pas ; il est donc immuable, ce qui signifie « non mutable ». Les deux termes, infini et immuable, décrivent Dieu au moyen de ce qu’il n’est pas.
Il existe deux autres façons que les théologiens utilisent pour parler de Dieu lorsqu’ils font de la théologie systématique. L’une est appelée la via eminentiae (« la voie de l’éminence »), dans laquelle nous portons des concepts ou des références humaines connues au degré ultime, comme le démontrent les termes « omnipotence » et « omniscience ». Ici, le mot pour « puissance » (potentia) et le mot pour « connaissance » (scientia) sont pris au degré ultime (omni) et appliqués à Dieu. Il est omnipotent et omniscient, alors que nous ne possédons qu’une puissance et une connaissance partielles.
La troisième façon de parler de Dieu est la via affirmations (« la voie de l’affirmation »), par laquelle nous faisons des déclarations spécifiques sur le caractère de Dieu, telles que « Dieu est un », « Dieu est saint » et « Dieu est souverain ». Nous attribuons de manière positive certaines caractéristiques à Dieu et nous affirmons qu’elles sont vraies en ce qui le concerne.
Cet article est tiré du livre : « Que pouvons-nous savoir au sujet de Dieu ? » de R.C. Sproul