Une prière sur la vieillesse (Charles Drelincourt )

Ô Dieu, qui es l’Ancien des jours et le Père d’éternité ; Tu veux qu’en tout âge et saison, tes enfants soient disposés à la mort. Combien plus m’y dois-je préparer, qui suis rassasié de jours, et qui ai déjà un pied dans le tombeau !

Que cet homme extérieur, qui se déchêt à vue d’oeil, fasse que l’intérieur se renouvelle de jour en jour. Que ce corps infirme, qui se courbe vers la terre, m’apprenne à élever mon esprit jusque dans le Ciel… Que l’âge qui fait trembler mes genoux et blanchir mon poil, fortifie ma foi et fasse reverdir mes espérances : et que la mort qui me talonne me fasse embrasser le Prince de vie… Ne me délaisse point en ma blanche vieillesse.

Et maintenant que ma vigueur se retire, sois le Rocher de mon cœur et la Force de ma vie. Mes ans se sont écoulés comme une ravine d’eau et je ne suis plus que l’ombre d’une ombre qui n’est plus… Ravive et réchauffe cette morte et froide cendre. Mais plutôt, tends-moi la main d’en haut. Tire-moi hors de cette maison qui est toute pourrie de vieillesse, et me retire en ta nouvelle Jérusalem. J’ai perdu le goût de la viande et du breuvage de la terre. Il est temps que Tu me rassasies des délices de Ta sainte Table et que je boive le Vin nouveau de ton Royaume.

Je suis déjà comme hors du monde. Ma vie ne tient plus qu’à un filet. Seigneur, laisse aller ton serviteur (ta servante) en paix, selon ta sainte et divine Parole, car mes yeux ont vu ton Salut.

Amen.

Charles Drelincourt (1595-1669)